LES IMPACTS sur la gestion locative des Ordonnances « CORONAVIRUS »
Le mardi 17 mars 2020 à 12 heures a débuté le confinement, obligation de rester chez soi et nécessité de remplir une attestation dérogatoire pour pouvoir en sortir sous certaines conditions. Le confinement a été initialement adopté pour 15 jours soit jusqu’au 31 mars 2020 et prorogé jusqu’au 15 avril 2020, puis à nouveau prorogé jusqu’au 11 mai 2020. Face à la crise sanitaire qui paralyse notre pays et plus généralement l’ensemble de la planète le Parlement a adopté le 23 mars dernier une loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de COVID-19 et permettre au Gouvernement de gérer par Ordonnances les situations qui le nécessitent. Le Gouvernement est ainsi habilité à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de deux mois à compter de la publication de la Loi, soit dès le 24 mars 2020, les mesures d’adaptation destinées à adapter le dispositif de l’état d’urgence sanitaire. Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’Ordonnance.
Plusieurs Ordonnances ont d’ores et déjà été prises par le Gouvernement le 25 mars 2020. Plusieurs d’entre elles sont susceptibles d’impacter le bail d‘habitation.
Pour l’attribution des logements chez les bailleurs sociaux :
Les commissions d’attribution sont probablement suspendues en ce moment ou ont lieu en visioconférence.
Certains candidats étrangers devront vous justifier d’un titre de séjour en cours de validité, s’agissant d’une des conditions essentielles pour obtenir un logement social.
Il convient de noter que l’Ordonnance 2020-328 du 25 mars 2020 prévoit que la durée de validité des documents de séjours arrivés à expiration entre le 16 mars et le 15 mai 2020 est prolongée de 90 jours.
Cela concerne :
- Les visas de long séjour
- Les titres de séjour, à l’exception de ceux délivrés au personnel diplomatique et consulaire étranger
- Les autorisations provisoires de séjour
- Les récépissés de demandes de titres de séjour
- Les attestations de demande d’asile.
Ainsi, un candidat qui serait présenté lors d’une CALEOL du 15 juin 2020 dont le titre de séjour aurait expiré le 18 avril 2020 demeure valable jusqu’au 18 juillet 2020 et le logement ne pourra pas lui être refusé sur ce motif.
Pour la gestion locative de façon générale : Plusieurs situations peuvent être rencontrées par le bailleur
Question : mon locataire titulaire d’un bail à usage d’habitation peut-il arrêter de payer son loyer en raison de la crise sanitaire en cours ?
NON, le locataire doit continuer de régler son loyer à l’échéance prévue. Toutefois, il vous appartient d’évaluer la situation du locataire qui se trouverait en situation de ne pas pouvoir payer son loyer (chômage partiel, libéral n’ayant plus de revenu…) et de prendre une position souple pour lui permettre de se mettre à jour.
En outre, la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail en cette période n’est pas aisée puisque certains Huissiers ne délivrent plus d’actes non urgents, ou le font en pratiquant des honoraires complémentaires très élevés.
En tout état de cause, le Juge ultérieurement saisi d’une demande d’acquisition de clause résolutoire d’un bail pour non paiement des loyers sur la période du 12 mars 2020 et le délai d’un mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire devrait avoir une position relativement souple et accorder plus facilement des délais de paiement aux locataires.
Il est donc préférable, dans le cas où votre locataire se rapproche de vous, de lui proposer un plan pour le paiement des loyers non réglés en lui rappelant son obligation de payer ses loyers courants.
Question : j’ai fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail à mon locataire le 6 mars 2020 (en tout cas avant la Loi du 23 mars 2020), quand expirera le délai de deux mois ?
Initialement la solution avait été définie par l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 :
L’article 4 de l’Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 dispose que : « Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er. Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme ».
L’alinéa 2 de cet article a été remplacé par deux nouveaux alinéas issus de l’article 4 de l’Ordonnance qui a été publiée au Journal Officiel le 16 avril 2020. Il s’agit de l’Ordonnance 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de COVID-19.
L’article 4 de cette Ordonnance prévoit donc le remplacement de l’alinéa 2 de l’article 4 de l’Ordonnance du 25 mars 2020 par les deux alinéas suivants : « Si le débiteur n’a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée. La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation, autre que de sommes d’argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l’article 1er, est reportée d’une durée égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la fin de cette période ».
On comprend d’abord que la date de fin de l’état d’urgence peut être modifiée puisque pour calculer les nouveaux délais, il faut attendre la fin de « cette période » c’est-à-dire un mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
En l’état actuel, si l’état d’urgence n’est pas prolongé, il prend fin le 24 mai 2020. La période expire donc le 24 juin 2020.
Pour savoir quand la clause résolutoire est acquise il faut calculer le temps qui s’écoule entre :
- le 12 mars 2020 ou la date à laquelle l’obligation est née si elle est plus tardive (c’est-à-dire la date de délivrance du commandement)
- la date à laquelle elle aurait dû être exécutée (c’est-à-dire la date d’expiration du délai de deux mois ouvert par le commandement)
Le temps calculé correspondra donc au temps à ajouter après le 24 juin pour que la clause résolutoire soit acquise.
Si j’ai fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail le 26 février 2020, il aurait du produire ses effets le 27 avril 2020 à minuit. Les Ordonnances du Gouvernement ont suspendus les délais.
Je dois donc calculer, dans l’hypothèse où l’état d’urgence est maintenu au 24 mai 2020, le nombre de jours qui se sont écoulés entre le 12 mars (puisque mon obligation est née antérieurement à cette date) et le 26 avril 2020, date à laquelle l’obligation aurait du être exécutée.
Cela fait 45 jours. Il s’agit du nombre de jours de report des effets de la clause résolutoire.
La clause résolutoire sera donc acquise 45 jours après le 24 juin 2020, soit le 10 août 2020.
La nouvelle Ordonnance a donc considérablement allongé les délais puisque la solution retenue avant l’Ordonnance du 15 avril 2020 impliquait un report au 24 juillet 2020 pour tous les commandements délivrés entre le 12 janvier et la date du 25 mars 2020.
Question : Le concours de la force publique m’a été accordé pour le 19 mai 2020, l’Huissier peut-il procéder à l’expulsion du locataire ?
NON, l’Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 proroge la trêve hivernale jusqu’au 31 mai 2020. Aucune expulsion ne pourra donc avoir lieu avant le 1er juin 2020.
Si vous avez obtenu le concours de la force publique pour une date déterminée, celle-ci sera annulée et une nouvelle date devra être prise avec le commissariat concerné.
Pendant le temps de présence de l’occupant désormais sans droit ni titre, celui-ci reste tenu du paiement de l’indemnité d’occupation et ce jusqu’à l’expulsion effective des lieux.
Question : mon locataire m’a donné congé avant la Loi du 23 mars 2020 pour une date incluse dans la période relative à l’état d’urgence, les délais de préavis sont-ils suspendus du fait des Ordonnances ?
L’article 2 de l’Ordonnance n° 2020-306 dispose que : « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit ».
Le congé est prévu à l’article 15 de la Loi du 6 juillet 1989. Il peut être donné par le locataire à tout moment à condition de respecter un préavis de trois mois. Ce préavis peut être réduit à un mois dans certaines circonstances mentionnées dans l’article précité.
Dans tous les cas et peu importe la durée du préavis, le texte prévoit que le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, signifié par acte d’huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement.
Le texte nous parle bien de « notification » de sorte qu’on pourrait penser que le congé est inclus dans l’article 2 de l’Ordonnance n° 2020-306.
Toutefois, cet article s’il prévoit bien un report des délais de notification il ne le prévoit que dans un contexte ou la notification doit être faite « à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion…. ». Le congé ne rentre pas dans cette énumération limitative puisque le congé n’est pas sanctionné.
Ainsi, si le locataire a donné congé pour une date qui expire entre le 12 mars et un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire, il doit quitter son logement et juridiquement à l’expiration du préavis, il devient occupant sans droit ni titre. Le gouvernement n’a pas réglé cette question au travers des Ordonnances prises jusqu’à aujourd’hui.
Compte tenu du contexte et de la paralysie des tribunaux il est nécessaire que locataire et bailleur trouvent une solution amiable pour gérer la situation en se mettant d’accord sur une convention d’occupation précaire pour la suite de la relation (puisque le bail est résilié au jour de l’expiration du délai de préavis).
Rappels :
- Loi du 23 mars 2020 n° 2020-290 article 4 : état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi, soit à compter du 24 mars 2020 et jusqu’au 24 mai 2020, sous réserve d’une éventuelle prorogation
- Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette période
- Ordonnance n° 2020-328 portant prolongation de la durée de validité des documents de séjour
- Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale
- Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de COVID-19
A paris le 16 avril 2020, L’équipe de rédaction, sous la direction de Maître Armand BOUKRIS