Afin de garantir sur le long terme l’accès des personnes modestes au logement, l’ordonnance du 6 juillet 2016 créé le bail réel solidaire destiné à permettre aux organismes de foncier solidaire, propriétaires fonciers, de consentir à des preneurs des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété de logements, sous des conditions de plafonds de ressources, de loyers et, le cas échéant, de prix de cession.
Après le bail réel immobilier (dit BRILO) destiné au logement intermédiaire, voici le bail réel solidaire (BRS) dévolu au logement des personnes modestes. Tout comme ce premier, celui-ci repose sur une dissociation de la propriété du foncier et de celle du bâti afin d’alléger la charge financière du ménage qui loue ou accède à la propriété.
Créé par une ordonnance du 20 juillet 2016 prise sur le fondement de l’article 94 de la loi Macron du 6 août 2015, ce nouveau bail de longue durée (18 à 99 ans) doit permettre aux organismes de foncier solidaire (OFS), sans but lucratif, de mener à bien ce pourquoi ils ont été créés par la loi ALUR, à savoir acquérir et gérer des terrains, bâtis ou non, en vue de constituer un parc pérenne d’accession à la propriété ou à la location de ménages modestes.
Dans le cadre du bail réel solidaire (BRS), un OFS, propriétaire du terrain, bâti ou non, consent à un preneur des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété de logements à usage d’habitation principale ou à usage mixte professionnel et d’habitation principale, sous des conditions de plafonds de ressources (du PLUS selon le rapport), de loyers et, le cas échéant, de prix de cession. Ce bail peut s’accompagner d’une obligation pour le preneur de construire ou de réhabiliter des constructions existantes. Le preneur paie une redevance au titre de la mise à disposition du foncier. Ce mécanisme, calqué sur le « Community Land Trust » américain a également pour objectif de lutter contre la spéculation immobilière.
L’entrée en vigueur du BRS est subordonnée à la parution d’un décret en Conseil d’État qui doit fixer, notamment, les plafonds de ressources, de loyer et de prix de cession.
Preneur opérateur ou preneur occupant ?
L’organisme de foncier solidaire peut signer un bail réel solidaire avec trois sortes de preneur selon la finalité de l’opération :
- soit le preneur, un ménage sous plafond de ressources, occupe le logement objet du BRS à titre de résidence principale (CCH, art. L. 255-2). Les droits réels sur ce logement lui sont cédés en respectant un prix plafond fixé par décret. En fonction des objectifs et des caractéristiques de l’opération (par exemple, une décote à l’achat du terrain), l’OFS peut appliquer des seuils inférieurs ou encore interdire au preneur de louer ce logement ;
- soit le preneur du BRS initial est un opérateur qui, le cas échéant construit ou réhabilite des logements et qui s’engage à vendre les droits réels afférents à ce BRS à un acquéreur aux ressources modestes. La vente s’opère selon un prix fixé par décret soit sous forme de cession de droits réels immobiliers (avec agrément de l’OFS), soit sous forme de parts et actions permettant la jouissance du logement (CCH, art. L. 255-3). Dans ce cas, à chaque cession de droits ou de parts, l’acquéreur doit signer un nouveau BRS avec l’OFS, le BRS initial se vidant peu à peu de sa substance avant de s’éteindre. L’opérateur pourrait notamment être un organisme d’HLM ;
- soit le preneur BRS est un opérateur qui, le cas échéant, construit ou réhabilite des logements et qui s’engage à les louer à des ménages aux ressources modestes sous plafonds de loyer (CCH, art. L. 255-4). En fonction des objectifs et des caractéristiques de l’opération, l’OFS peut appliquer des seuils inférieurs. Les baux consentis par ce preneur-opérateur doivent mentionner en caractères apparents, la date d’extinction du BRS et son effet sur le contrat de bail en cours. A défaut, les bénéficiaires du droit au bail d’habitation ont le droit de se maintenir dans les lieux pendant 3 ans à compter de la date d’expiration du BRS moyennant une indemnité d’occupation égale au dernier loyer d’habitation expiré et payable dans les mêmes conditions. Cette durée est réduite à un an pour les bénéficiaires de location meublé résidence principale et ceux logés en logement-foyer.
En tout état de cause, une redevance fixée par le BRS doit être payée par le preneur, sauf à entraîner la résiliation de ce bail (CCH, art. L. 255-8). Son montant tient compte des conditions d’acquisition du patrimoine par l’organisme (décote …) et, le cas échéant, des conditions financières et techniques de l’opération de construction ou de réhabilitation des logements et des conditions d’occupation des logements, objet du BRS.
Un bail réel solidaire sans fin ?
En cas de vente, donation ou succession, le dispositif prévoit, sous certaines conditions d’éligibilité (agrément par l’OFS de l’acquéreur ou du donataire, condition de ressources à respecter par l’héritier sauf pour le conjoint survivant), la prorogation de plein droit du BRS pour une durée identique à celle prévue dans le bail initial (CCH, art. L. 255-12 et L. 255-14). Le BRS est en quelque sorte « rechargé » ou « renouvelé » à chaque mutation, donation ou succession. Le prix de vente ou la valeur maximale des droits réels immobiliers, parts et actions permettant la jouissance du bien sont limités à leur valeur initiale, actualisée selon les modalités qui seront définies par un décret à venir.
Par ailleurs, l’OFS dispose d’un droit de préemption sur toute cession ou donation (CCH, art. L. 255-15) qui lui permet de racheter les droits réels sur le logement objet du BRS ou de les faire acquérir par un bénéficiaire répondant aux conditions d’éligibilité (plafond de prix de cession et de ressources).
Quand le bail expire, les droits réels immobiliers du preneur deviennent la propriété de l’OFS après indemnisation de la valeur de ses droits réels immobiliers, dans les conditions prévues par le bail et dans la limite de la valeur maximale correspondant à leur valeur initiale actualisée selon des modalités qui seront définies par décret.
Source : Laure Deffontaines, Dictionnaire permanent Construction et urbanisme
Ord. n° 2016-985, 20 juill. 2016 : JO, 21 juill.
Rapport Ord., 20 juill. 2016, NOR : LHAL1525838P : JO, 21 juill.